Une bonne dose d’amertume, ça fait des miracles. C’est un jour ensoleillé de décembre 1983: comme des milliers de jeunes de son âge, Ali Guessoum rejoint à la Bastille la marche pour légalité et contre le racisme – dite «marche des Beurs» a18ans. un blouson de cuir, c’est sa première manif et, cette fois, il en est sûr, les choses vont vraiment changer. En fin, la France va leur faire une place, leur reconnaitre des droits a eux, les enfants d’immigrés. Lutter contre les ratonnades et les discris minations. « Ce n’était pas une dé. marche ethnique, c’était la jeunesse qui se prenait en main. »
La marche éspère changer l’image que la France a de la jeunesse immigrée. Et remplit d’espoir ceux qui rêvent d’une France plus égalitaire et métissée. Mais Al Guessoum se souvient d’un espoir trahi: «C’est un rendez-vous raté de la République. On était des enfants français avant d’être des enfants d’immigrés, on espérait sortir de l’invisibilité. Certains auraient pu être la relève de ce pays. »
Comme des milliers d’autres jeunes, Ali Guessoum se sent floué par « les grandes messes antiracistes naives couscous-paella», alors que le quotidien, lui, ne change pas, ou si peu. A la fin des années 1980, marquées par l’ascension du Front national (FN) et l’arrivée du rap français, comme dans les an• nées 1990, les discriminations dans l’accès au travail ou au loge. ment persistent, le droit de vote est toujours fermé aux immigrés, le racisme et les crispations religieuses augmentent.
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