Il suffit d’allumer sa radio ou d’aller au comptoir de n’importe quel café du commerce pour tendre l’oreille aux petites et grandes peurs d’une certaine France décliniste. La faute aux immigrés ! La faute au communautarisme ! Comment les idées les plus opposées à notre héritage démocratique peuvent-elles être partagées par nombre d’intellectuels et d’hommes publics et justifier un nouveau « racisme respectable » ? Car les logiques de replis privatifs ou corporatistes qui sapent de l’intérieur le modèle républicain sont loin d’être le fait des quartiers populaires de la ségrégation urbaine dont on oublie trop vite qu’ils subissent au quotidien des multiples formes de discrimination sociale et ethnique.
L’épouvantail communautariste n’est qu’un leurre médiatique qui cache une fragmentation autrement plus grave de la société française dans un contexte de généralisation des inégalités. La logique du repli, on peut la voir comme la montée en puissance d’une lecture « raciale » qui légitime les discriminations sociales et ethniques. Une lecture qui permet de mettre en avant les nouveaux régimes d’exception qui se profilent dans une société du repli. Exception des banlieues à notre modèle social. Exception de l’immigration postcoloniale à notre modèle universel d’intégration. Ce sont ces exceptions qui justifient aujourd’hui un retournement des idéaux républicains et progressistes contre eux-mêmes. Un retournement pour en faire les instruments d’une distinction entre «nous» et «eux».
Ahmed Boubekker, Sociologue spécialiste des processus migratoires, professeur à l’université de Saint-Etienne.