Avec « Travail d’arabe », exposition présentée à Paris, le publicitaire Ali Guessoum détourne les stéréotypes et les codes du racisme.
Par ALICE GÉRAUD
Un panneau de chantier au milieu du hall de la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris annonce : « Attention, travail d’arabe ». Le message, ainsi posé sous les ors de la République locale et les grands escaliers en pierre, joue à la perfection le rôle que lui a assigné l’artiste (même s’il n’assume pas totalement le titre) et publicitaire (son vrai métier) Ali Guessoum : « Interpeller ».
Même très concentré sur son dossier personnel de renouvellement de passeport, difficile de ne pas s’arrêter sur la formule. « Attention, travail d’arabe » est le titre d’une exposition conçue pour « bousculer l’idée trop éculée et véhiculée par les médias, les politiques ou encore la publicité, d’un immigré source de problèmes », depuis le « Y’a bon Banania » de l’après-Première Guerre aux dernières sorties politiques sur les Roms.
L’idée de Guessoum est simple et efficace : utiliser les codes de la culture populaire, et notamment ceux de la pub et du graphisme, pour déjouer les stéréotypes et codes de la xénophobie ambiante. « J’avais envie de m’exprimer au travers de cette mémoire collective qui parle à tous, mais de façon décalée, amusante. On ne rit jamais avec ce sujet », explique-t-il. Le communicant se démarque nettement du discours habituel de l’antiracisme. Un écho à la Douce France chantée par Carte de Séjour dans les années 80.
Ali Guessoum avait aussi l’ambition de souligner « l’apport culturel, économique et social des Français venus d’ailleurs » et « l’importance d’une histoire trop souvent ignorée ». Sur ses panneaux défilent le passé colonial (avec ses « Maures pour la France »), la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 où la main jaune de SOS Racisme est devenue une peau de banane sur laquelle s’apprêtent à glisser les marcheurs, et aussi la figure du musulman devenu obsession politique des années 2000.
L’idée de l’exposition est née à la suite d’une discussion avec les Zebda et le TactiKollectif de Toulouse sur la question de la mémoire de l’immigration et la nécessité d’aborder le sujet d’une manière décalée. Ce natif d’Algérie, arrivé à 7 ans en France où il a grandi « berçonné par Marianne », ne se revendique pas militant. Il précise : « En tout cas, pas encarté. » Il préfère le terme « engagé ».
Cet engagement, il le développe au sein du collectif Remembeur qui monte des rencontres, des concerts et des expositions. Mais aussi, en filigrane, dans les choix de son agence de communication, Sansblanc, qui a notamment travaillé sur la campagne présidentielle de Marie-George Buffet en 2007 et monté une campagne pour Attac.
Présentée d’abord à Toulouse en 2010, l’expo Attention travail d’arabe, que Guessoum enrichit en fonction de l’actualité, a tourné aux Docks des Suds à Marseille, à Montpellier, mais aussi à Casablanca et Alger avant de faire le tour de plusieurs lieux parisiens. Des discussions sont en cours actuellement avec la Ville de Paris pour un accrochage moins confidentiel.